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A la faveur du « demi-cerveau » qu’il me reste avec mon rhume ou ma grippe et de l’obligation de rester au chaud, depuis ce week-end, entre les périodes de somnolences, j’enchaîne les publications comme vous pouvez le constater. J’ai enfin revu mon article sur Les Esclaves oubliés de Tromelin. J’espère que cela ne sera pas trop confus ou qu’il n’y aura pas trop de fautes… 😦

Tromelin quezaco? Un minuscule îlot sous domination française, perdu en plein milieu de l’Océan Indien. Il fait parti des Terres australes et antarctiques françaises ou TAAF.

Ce sanctuaire pour espèces protégées (oiseaux et tortues) va rentrer dans l’histoire à la faveur d’un évènement tragique, un naufrage qui a lieu en juillet 1761. Les survivants, en majorité des esclaves malgaches vont tenter de survivre pendant 15 ans à la manière de Robinson…

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Tromelin se trouve dans la pastille en haut à droite de la carte.

J’avoue ne pas m’être précipitée de prime abord sur cet album lors de sa sortie. Le titre, assez négatif, a plutôt eu un effet repoussoir. Mais lors d’une nouvelle visite dans l’un de mes magasins spécialisés préférés, mon mari, lui aussi passionné d’histoire et surtout de BD d’heroic fantaisie, voulait absolument le lire parce qu’il connaissait déjà cette histoire (l’un des protagonistes est un Morlaisien comme lui). Bien lui en a pris car je me suis laissée prendre au jeu…

Cela m’a tellement plu, que lors d’un récent passage en Bretagne, j’ai insisté pour visiter l’exposition Tromelin, L’île des esclaves oubliés qui se tiendra jusqu’au printemps 2016 au Château des Ducs de Bretagne à Nantes. La BD et l’exposition sont en effet liées : non seulement par le thème abordé mais aussi par leurs conditions de création.

Si Sylvain Savoia s’intéresse au sujet des naufragés de Tromelin, c’est qu’il découvre par hasard « leur histoire grâce à un article du Monde. Le journaliste faisait un résumé d’une expédition archéologique qui, en 2006, avait entrepris des fouilles pour retrouver la trace de l’Utile, le négrier qui convoyait ces esclaves illégaux » (extrait d’interview pour le Huffington Post Québec du 12 septembre 2015).

L’expédition dont il est question est une campagne de fouilles menée par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Sylvain Savoia prend donc contact avec l’équipe dirigée par Max Guérout, un ancien  de la Royale (Marine nationale), pour savoir s’il peut avoir accès aux résultats des recherches.

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Extrait du livret de présentation de l’exposition Tromelin, L’île des esclaves oubliés au Château des Ducs de Bretagne à Nantes. Max Guérout est dessiné par Savoia.

Les 2 hommes lient connaissance et finalement Max Guérout propose à Sylvain Savoia de participer à la prochaine mission. Sylvain Savoia part donc pendant 1 mois 1/2 sur Tromelin. Max Guérout explique: « Pour moi, ça rentrait tout à fait dans ce que je voulais faire, l’histoire est forte et l’une des raisons pour lesquelles je me suis embarqué dans ces missions est d’utiliser cette histoire pour parler de l’esclavage. Je voulais y amener toute une série de publics, dont celui de la bande dessinée qui, si j’en crois Tintin, possède un spectre d’âges assez large. Cela s’est fait naturellement » (extrait d’interview pour le blog Branchés Culture).

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Sylvain Savoia et Max Guérout ©Branchés Culture

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Sylvain Savoia a participé aux recherches archéologiques menées sur Tromelin © JF.Rebeyrotte

Ce n’est pas d’ailleurs la première collaboration « artistique » connue dans le cadre des fouilles menées sur Tromelin puisque l’écrivain et journaliste Irène Frain en avait bénéficié pour l’écriture de son roman Les naufragés de l’île Tromelin et avait elle aussi séjourné sur l’île.

Le scénario fait ainsi alterner 2 ou 3 doubles-pages où l’on suit alternativement l’action qui se déroule entre 1761 et 1776, du temps du naufrage et  les événements au début du XXIe siècle liés à la mission archéologique. La bande dessinée entremêle un récit « à hauteur humaine », au travers du témoignage d’une esclave et un journal de bord à la manière d’Emmanuel Lepage.

« Il y avait plein de thèmes inspirants, l’esclavage bien sûr mais aussi le naufrage, l’abandon, l’exil, l’île déserte et la mission archéologique […] Les archéologues voulaient que je pose un regard différent sur leur travail et l’histoire de ces esclaves, plus émotif, moins scientifique. À la différence du documentariste, je peux personnaliser la mission, m’y inclure, créer un lien avec le lecteur, lui permettre de vivre lui aussi l’expédition. […]

J’ai fait beaucoup de croquis, de photos et de dessins sur place, mais je les ai redessiné à mon retour en France. Je n’avais pas le choix, je devais créer une cohérence narrative et graphique. Je me suis appliqué à rester le plus près de ce que j’avais ressenti et de ce que j’avais noté pour ne pas dénaturer les émotions vécues. (…) Il ne suffit que d’une lumière, d’un coup de vent ou d’une odeur de feu de bois pour que je retourne à Tromelin et à Madagascar » (extraits d’interview pour le Huffington Post Québec du 12 septembre 2015).

« Le choix de suivre cette jeune fille a été immédiat parce qu’elle était une des rares survivantes. C’est un personnage réel. J’ai essayé d’être proche des archives et des découvertes archéologiques. Elle est arrivée jeune accompagnée de sa mère. C’est un personnage fort car elle a eu un bébé qui a lui aussi survécu.

J’étais d’abord avec l’idée de raconter l’histoire des Malgaches au XVIIIe siècle, mais de partager le quotidien de l’équipe de fouilles m’a poussé à le raconter aussi… » (extrait d’interview sur France Inter)

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Extrait du livret de présentation de l’exposition  Tromelin, L’île des esclaves oubliés au Château des Ducs de Bretagne à Nantes

« Si je n’avais pas eu la chance d’aller sur place, je n’aurais certainement pas raconté la même histoire. J’aurais fantasmé ce bout de corail perdu au milieu de l’océan Indien sans jamais le comprendre. L’île est devenu un élément à part entière du récit. Quand l’avion militaire qui nous a déposé est reparti, là, j’ai vraiment ressenti l’isolement. J’en étais très heureux du reste, puisque j’étais aussi venu pour ça. Pour comprendre ce que ça pouvait être et ce que ça impliquait.

Être sur place, là où ces survivants ont vécu 15 ans, était particulièrement émouvant. Le paysage est le même, mes pas étaient dans les leurs et sans doute qu’à plus de deux siècles d ‘écart nous étions assis de la même manière sur la plage à regarder l’horizon.

Et puis les fouilles ont été tellement gratifiantes. Nous avons trouvé énormément de matériel archéologique. Nous avons pu rentrer dans les restes de leurs habitations, retrouver des objets qu’ils avaient été laissés tels quels au moment de leur départ. Une photographie du 18è siècle, c’était merveilleux.
Donc oui, j’ai essayé de me mettre le plus possible à leur place, en tentant de transmettre une sensation, une émotion. » (extrait d’interview pour France 3 Pays de Loire)

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L'équipe de fouilles, l'auteur en plein travail ©Dupuis

L’équipe de fouilles, l’auteur en plein travail ©Dupuis

Sur le plan du graphisme, le dessinateur a également traduit la dualité de son ouvrage en ayant recours à des différenciations tant dans l’organisation des planches (vignettes très découpées de manière plus classique pour la partie historique) que dans le script (une majorité de cartouches pour le reportage). « […] un dessin plus croquis évoque le reportage, un dessin plus classique et encré tient plus du romanesque. » (extrait d’une interview pour Branchés Culture).

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©Dupuis

Pour développer cet article, en dehors des diverses recherches multimédias que j’effectue habituellement, je vais largement me reposer sur un reportage photos effectué lors de ma visite de l’exposition Tromelin, L’île des esclaves oubliés au Château des Ducs de Bretagne à Nantes ainsi que sur un ouvrage spécialisé sur le sujet acquis à cet occasion.

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Max Guérout, Thomas Romon, Tromelin, L’île aux esclaves oubliés, INRAP, CNRS Editions, Paris, 2010 et 2015 (pour l’édition revue et augmentée)

Un autre ouvrage encore plus détaillé sur le côté « scientifique » des fouilles existe mais la masse d’information disponible par les autres biais déjà mentionnés me semblait amplement suffisante.

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1. Le premier et ultime voyage de l’Utile

Cette partie historique, prélude au naufrage de l’Utile, ne figure pas dans la BD mais est intéressante à plus d’un titre car assez singulière. En outre, elle permet de restituer le contexte du naufrage de l’Utile.

L’Utile est une flûte (bâtiment de charge) lancée le 24 mai 1759 depuis le Parc Royal, l’arsenal de Bayonne. Aucun plan ne subsiste pour la caractériser elle ou son double, l’Adour, car les archives du port ont été détruites.

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Exemple de coques de vaisseaux. L’Utile a une capacité de 800 tonneaux ©E. Renucci 

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Maquette du Dromadaire, une flûte de 520 tonneaux, auquel l’Utile devait ressembler. ©E. Renucci

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Extrait de Max Guérout, Thomas Romon, Tromelin, L’île aux esclaves oubliés, CNRS Editions, 2015.

L’Utile appartient à la puissante Compagnie française des Indes orientales créée dès 1664 par Colbert. « Seule autorisée à naviguer, depuis le Cap de Bonne-Espérance jusque dans les Indes et mers orientales », la Compagnie dispose officiellement du monopole sur le commerce de denrées exotiques telles que le thé, le café, les épices ou encore les cotonnades et les soieries.

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Armoiries de la Compagnie des Indes orientales avec sa devise « Je fleurirai là où je serai portée »

Si la majorité des navires de la Compagnie sont construits dans ses chantiers navals de Lorient, à partir de 1755, la Compagnie externalise la construction de sa flotte et fait également appel de manière exceptionnelle à des constructeurs royaux. Il en va ainsi de l’Utile construit à Bayonne sous la houlette de Mathurin Louis Geoffroy, maître constructeur de la Marine royale.

C’est que dans le contexte de la guerre de Sept Ans, qui voit s’opposer Français et Anglais sur les mers, le choix de Bayonne pouvait laisser espérer échapper au blocus anglais des côtes de l’Hexagone.

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A Bayonne, on est loin des procédures bien rodées de Lorient. Il faut tout négocier localement, matières premières comme services. L’armement est confié à 2 négociants bayonnais associés, Jean-Joseph de Laborde et François Nogué, son beau-frère.

Première opération d’ampleur: procéder au carénage du navire et au doublement de sa coque, une précaution prise pour éviter le forage de celle-ci par des nuisibles.

Pour le lestage, composé de charbon de terre, de fers divers, d’ancres et de grappins, on fait venir la ressource depuis Lorient en utilisant le stratagème  de bateaux battants sous pavillon de nations neutres ou non impliquées dans le conflit franco-anglais.

La dernière difficulté: le recrutement de l’équipage. A Bayonne, le bassin de recrutement est étroit. Il faut également compter sur les tentatives de désertion, une fois l’avance de solde de 6 mois touchée. Il faudra 6 mois pour réunir l’équipage au complet, soit 140 membres d’équipage avec à leur tête, le capitaine Lafargue ou de La Fargue.

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Rôle d’équipage de l’Utile conservé au SHD de Lorient. Cette liste de l’équipage est établie au départ du navire. Chaque marin y est enregistré avec son grade, fonction, nom, prénom, sa date d’embarquement et de débarquement. Figure aussi le montant de sa solde mensuelle.©E. Renucci

Le bateau emporte de quoi tenir pendant une campagne de 18 mois. Essentiellement de la farine et des biscuits pour la consommation de base quotidienne, améliorés par des oignons (lutte contre le scorbut), des pois, fèves, fayots et de la viande (boeuf et porc salé), morue salée et sardines.

En ce qui concerne la boisson, on prévoit de l’eau de vie et du vin, notamment pour agrémenter la table du capitaine (47 barriques de vin de table pour une somme de 3 632 livres).

Dans les cales de l’Utile, une cargaison variée est agencée de manière méthodique.

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©E. Renucci

Les navires construits à Bayonne ne peuvent rejoindre l’océan via un fleuve, l’Adour, que par grande marée. Ils rejoignent, au terme de ce court voyage fluvial, le petit havre espagnol de Pasajes (Pasaia ou Passages) où est achevé leur armement.

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Déjouant le blocus anglais (de mise du fait de la guerre de Sept ans, en cours), par vent favorable, le 17 novembre 1760, l’Utile et l’Adour appareillent enfin. L’Utile doit rejoindre l’île de France (île Maurice) pour la ravitailler. La chance est au rendez-vous et aucune frégate anglaise ne les arraisonne.

Les 2 navires filent très au large du cap Finistère vers l’île de Madère puis les Canaries. Evitant le comptoir de Gorée, aux mains des Anglais depuis 2 ans, ils croisent vers le Cap Vert.

Trajet de l'Utile retracé grâce à l'application Google My Map

Trajet de l’Utile retracé grâce à l’application Google My Map

Début janvier 1761, l’équateur est franchi, à mi-distance entre l’Afrique et l’Amérique du Sud.

Ensuite, les navires effectuent le tour de l’Afrique par l’Est. La navigation jusqu’au Cap de Bonne Espérance (Afrique du Sud actuelle) va durer une quarantaine de jours. C’est à la sonde qu’on vérifie les fonds et qu’on évite les bancs.

Les bateaux longent la côte sud-africaine jusqu’au niveau de Durban. Là, on maintient un cap à la latitude de 35° Sud. La mer est difficile et la zone est redoutée pour ses vents violents. A partir du Sud des Mascareignes, l‘Utile entame enfin sa remontée vers le Nord et l’île de France.

Finalement, après 147 jours de mer (un peu moins de 5 mois), l’Utile ancre enfin à Port-Louis (île de France / île Maurice) le 12 avril 1761. Aucune perte humaine n’est à déplorer. 

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Vue de Port Louis (période indéterminée)

Un peu plus tard, profitant de ce moyen de transport, le gouverneur de l’île décide d’envoyer l’Utile vers Madagascar, située à quelques encablures, pour s’y procurer des vivres.

Au comptoir de Foulpointe, le chef de poste de la Compagnie des Indes procure le riz et les boeufs nécessaires.

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Plan de Foulpointe, Madagascar, sur une carte anglaise de 1747. La palissade figure l’enclos où réside la garnison du poste de traite. National Maritime Museum ©E. Renucci 

Moins avouable, 160 esclaves traités en fraude sont aussi embarqués. Ce, malgré l’interdiction officielle faite par la Compagnie. Non que la pratique ne soit pas courante ou combattue mais à cause de circonstances particulières: on craint un blocus de l’île de France et devant l’exemple de famines précédentes, on entend limiter le nombre de bouches à nourrir. D’où également la mission de ravitaillement lancée sur Madagascar…

D’ailleurs, au sein de l’équipage, ont été embarqués 5 bouchers, 2 tanneurs et 2 tonneliers afin d’abattre le bétail collecté et de le conditionner en avance de phase, l’Utile n’étant pas équipée pour ce faire.

L’Utile l’est encore moins pour le transport d’esclaves. Ils sont donc parqués dans la calle et chaque nuit, les panneaux sont fermés et cloués pour prévenir toute velléité de révolte.

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Circuit de la traite à Madagascar. Les esclaves doivent traverser plusieurs zones géographiques pour rejoindre la côte. Des « taxes » sont prélevées à chaque frontière d’une zone géographique tribale ©E. Renucci

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Fers d’esclaves ©E. Renucci

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©Dupuis

L’achat d’une telle quantité d’esclaves a mobilisé une somme importante: 25 000 livres. Le capitaine du navire a dû agir sur une demande émanant de colons de l’île de France car il ne gagne que 200 livres par mois.

Il a également été nécessaire de s’assurer de complicités pour garantir la réussite de l’entreprise: celle du chef de poste, celle de ses subordonnés et enfin celle d’une partie de l’administration de l’île de France.

C’est que le jeu « semble en valoir la chandelle »… Le profit escompté est substantiel car un esclave acheté 30 piastres peut être revendu plus du double (jusqu’à 70 piastres environ) à l’arrivée.

Le 22 juillet, l’Utile quitte enfin Foulpointe direction l’Est et Rodrigues, une des 3 îles de l’archipel des Mascareignes (à 560 km de l’île Maurice). Un « petit détour » ordonné par le capitaine qui compte faire y escale « ni vu, ni connu » pour procéder à la vente des esclaves avant de rejoindre son point de départ initial.

2. Un naufrage malencontreux

Si généralement les officiers de marine préfèrent se fier à une carte récente, celle d’Après de Manevillette (1753), pour préparer sa navigation, Jean de La Fargue ne jure que par une seconde, plus ancienne datant de 1739, la carte réduite de l’Océan oriental ou mer des Indes.

©Tromelin, L'île aux esclaves oubliés, CNRS Editions, 2015

©Tromelin, L’île aux esclaves oubliés, CNRS Editions, 2015

De plus, afin de pouvoir transporter discrètement sa cargaison illégale, malgré l’avis de ses conseillers, le capitaine décide que le bateau suivra une route inhabituelle, passant par le Nord au lieu de gagner dès que possible la latitude du lieu de destination puis de s’y maintenir (c’est le seul élément certain et maîtrisé par les pilotes).

Mais ce que le capitaine ignore c’est que sa carte étant imprécise, le cap imposé le conduit directement vers un récit corallien, l’île de Sable.

D’autant que suite à une grossière erreur d’observation commise la veille lors du point à midi, les manoeuvres (tirages de bord) des dernières heures de navigation ont été rendues inutiles…


De l’imprécision des cartes

« Les cartes à cette époque ne sont pas toujours d’une grande exactitude, en raison de l’imprécision des outils de calculs. Une amélioration notable viendra avec la mise au point de l’Octant (ou quartier anglais) par John Hadley en 1731 (méthode des distances lunaires). L’hydrographe Jean-Baptiste-Nicolas-Denis d’Après de Mannevillette est l’un des premier français à l’employer. Il en vulgarisera l’usage dans l’ouvrage Le nouveau quartier anglais. Dès 1933, il entame une série de campagnes de navigation vers l’Inde et la Chine, au cours desquelles il amasse quantité d’informations et commence à faire des observations astronomiques. En 1742, il présente son recueil de cartes Neptune Oriental à la Compagnie Française des Indes Orientales qui en finance l’impression. La première édition est publiée en 1745. Celle-ci entend ainsi améliorer la sécurité des routes maritimes empruntées par ses navires. Elle lui confiera quelques années plus tard une mission hydrographique le long des côtes orientales de l’Afrique (1750-1752).

De Mannevillette met régulièrement ses cartes à jour. En 1753, il publie une version sur lesquelles l’Isle de Sable est placée à des coordonnées différentes de celles connues jusqu’alors et ce malgré l’absence de nouvelles informations. D’ailleurs, personne n’a signalé avoir vu l’île depuis 31 ans, forgeant ainsi son mythe.
Sur le document, l’île est positionnée 45km plus au nord qu’en 1739 (15°55’S et 52°32’E). Bien que la longitude soit assez éloignée de la réalité (positionnée 217km trop à l’Ouest), la latitude est quasi exacte (positionnée 50km trop au sud en 1739).

Au XVIIIe siècle, la maitrise des coordonnées était encore limitée à la latitude. La longitude était la plupart du temps déterminée ‘à l’estime’, faute d’instrumentation adaptée. Les travaux de mise au point d’une montre de marine par l’horloger John Harrison dès 1730 ont contribué à la détermination plus précise des longitudes. Un modèle fiable (horloge H4) sera fabriqué en 1759. »

Extrait du blog  Tromelin 2014

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Superposition de cartographies de l’Océan indien, montrant les écarts pouvant exister entre les différentes cartes de l’époque. En vert, une carte établie par l’Anglais J. Thorton (1669-1701), en jaune par le Hollandais P. Gros (1616-1675) et en rouge, la carte réduite de l’Océan oriental ou mer des Indes dressée en 1739 par le dépôt des cartes, plans et journaux de la Marine. BNF ©E. Renucci

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Enfin, le commandant n’a pris aucune précaution particulière alors que la zone est réputée dangereuse. L’Utile file donc vers son destin tragique, toutes voiles dehors, à une vitesse de 4 noeuds (un peu plus de 7km/h).

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Sur la carte du dépôt, l’île de Sable, figurée en couleurs,  apparaît à une latitude de 16°20′ S contre 15° 55′ S sur l’autre carte présente à bord de l’Utile ©E. Renucci

Ainsi, le 31 juillet vers 22h, le navire fait naufrage près de l’île de Sable, en plein océan Indien. De fait, il vient de talonner à 2 reprises le plateau corallien qui ceinture l’île.

C’est que, basse sur l’eau, l’île de Sable est à peine visible, encore moins en pleine nuit. Ancien banc récifal, fait d’une accumulation de sédiments (blocs de corail), sans aucune partie cultivable, elle s’est développée sur un haut fond d’origine volcanique. Autour, aucune barrière de corail visible ne signale l’île.

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On peut penser que l’île du Sable était connue depuis longtemps des navigateurs portugais ou hollandais bien qu’elle n’apparaisse que tardivement sur la cartographie.

Officiellement, c’est la Diane, un navire de la Compagnie des Indes qui la découvre par hasard le 11 août 1722. Le pilote mentionne l’évènement dans son journal de bord. « Sur les 5 heures et 1/4 après midi nous avons eu connaissance de un ilote base qui este par Latt de 16 dg elle me reste le milieu au NNE distance de 2 L 1/2, la pointe de l’est au NE 1/4 N elle peut avoir environ 2 lieues de long ». La première représentation de l’île sur une carte date de 1739. Le problème c’est qu’a priori, à plusieurs reprises, plusieurs bateaux tentent sans succès d’apercevoir l’îlot jusqu’au fatal naufrage. 

La dénomination de Tromelin pour désigner l’atoll n’apparaît que vers 1885 chez les francophones alors qu’elle est déjà présente sur un relevé hydrographique de 1825, côté anglais.

Voilà comment est décrite l’île de Sable/Tromelin dans le témoignage d’un rescapé: « L’île de Sable, suivant les cartes, est de corail. Suivant moi, n’a que 3/4 de lieues de tour en ovale, est plate, bordée de longs et furieux récifs. Il n’y a jamais crû un brin d’herbe. Elle est habitée par des oiseaux; nous y mangions par jour 6 000 oeufs frais comme ceux des poules et de ces goélettes noires. Un matelot a mangé à 1 repas 12 goélettes et 64 oeufs gros comme ceux de poules« . 


Description de Tromelin, basée sur des séjours récents dans  Tromelin, L’île aux esclaves oubliés (Max Guérout et Thomas Romon, CNRS Editions/Inrap, 2015, pp. 19 à 21)

« Cet îlot soumis à l’assaut incessant de la houle, régulièrement dévasté par le passage des cyclones, est la partie émergée d’un volcan sous-marin, dont le pied repose au fond de l’océan Indien par 4 500 m de profondeur. Vue du ciel, la douceur de son contour en forme d’amende ne laisse rien présager de la rudesse de son environnement. Lorsqu’on y séjourne, le souffle permanent de l’alizé du sud-est, le bruit incessant du ressac et la mer à perte de vue donnent le sentiment d’être embarqué sur un navire. On y coule moins une vie d’insulaire que de navigateur. Sur la côte sud, les blocs de corail arrachés par la mer forment un talus continu, presque une muraille, qui entoure une dépression intérieure souvent envahie par la mer soulevée par les cyclones. Les blocs roulés, frottés les uns aux autres, concassés par la houle, produisent un sable grossier qui migre peu à peu vers le nord de l’île, où il forme une étrange langue étincelante, comme une queue de comète plongeant dans les eaux turquoise de l’océan, à l’endroit où les trains de houle qui ont contourné l’île de chaque côté se rejoignent dans un tumulte impressionnant. Aucun arbre n’y pousse. Seul un arbuste, le veloutier (Tournefortia argente), parvient à y survivre, ainsi que quelques plantes rampantes comme le pourpier (Portulaca oleracea). La patate à Durand (Ipomea les-caprae), dont on dit que les Malgaches cuisinent les feuilles, a disparu il y a quelques années.

Aucun arbre n’y pousse. Seul un arbuste, le veloutier (Tournefortia argente), parvient à y survivre, ainsi que quelques plantes rampantes comme le pourpier (Portulaca oleracea). La patate à Durand (Ipomea les-caprae), dont on dit que les Malgaches cuisinent les feuilles, a disparu il y a quelques années. L’île est un lieu privilégié de nidification des fous masqués (Sula dactylatra) et des fous à pieds rouges (Sula sala). Frégates (Frelata miner) et huîtriers (Hamatopus sp.) y sont nombreux. 

Les tortues vertes (Chelonia mydas) par milliers viennent creuser les plages du nord et y déposer leur ponte avant de regagner, au lever du jour, épuisées, l’abri de l’océan. Les bernard-l’ermite (Pagurus), déjà nombreux lors de l’installation d’une station météorologique en 1954, se sont multipliés. […]

La faune sous-marine est riche et peu farouche.«  

Portions de la carapace d’une tortue (plaques pleurales) et radius droit ©E. Renucci

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Hameçons, pointe d’un harpon et lame d’un couteau récupérés sur l’épave l’Utile. Pointes de lance ou de pique fabriquées en roulant une plaque de cuivre en forme de cornet ©E. Renucci

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Espèce d’oiseau de Tromelin avec des restes de consommation ©E. Renucci

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©E. Renucci


On connaît le déroulement du naufrage de l’Utile grâce à un document anonyme, attribué pourtant, après recherches, avec certitude à l’écrivain du bord, Hilario Dubuisson de Keraudic et enregistré aux archives de la Marine (SHD – Lorient, côte 1 P 297, liasse 15, pièce 85).

Ce récit décrit ce qu’il est advenu au cours de la période allant de la veille du naufrage jusqu’au départ des Français de l’île de Sable, 2 mois plus tard. Dans ces notes, l’écrivain de bord énumère notamment les rares ressources à disposition des survivants.


Extrait de la Relation du naufrage de l’Utile sur l’île de Sable ou pour mieux dire de corail par 15°52′ observé sur l’île (Transcription modernisée pour l’orthographe, ponctuée et annotée)

« … comme j’étais sur la dernière marche de la sainte barbe [pièce dans laquelle était entreposée la poudre], le vaisseau a donné 2 coups de talon sans être bien violents, j’ai sauté de haut. Le vaisseau a talonné à nouveau très fort, Mr de Castellan [Premier-Lieutenant] a paru sur le gaillard [pont], les officiers de quart demandaient dans le moment: qu’est-ce que c’est que cela? Et tout le monde est resté comme interdit.

On a cependant brassé à culer [disposé les voiles de manière à recevoir le vent par l’avant], croyant pouvoir peut-être parer. La mer nous a pris lors en travers. Les horreurs d’un trépas violent et prochain occasionné par les lames les plus terribles, les secousses les plus affreuses et les plus réitérées, les roulis les plus grands et les plus vifs ont jetés la terreur dans presque tout le monde. 

On a délibéré, sans rien résoudre, à mettre les bateaux à la mer que nos gens avaient chargés à couler bas; définitivement ils ont restés à bord. Enfin on s’est déterminé à jeter la mâture à la mer et on l’a exécuté. Le grand mât a été jeté à tribord également que le mât d’artimon [mât arrière] et celui de misaine [mât à l’avant] à bâbord [côté gauche du navire quand on regarde vers l’avant], cela a soulagé le vaisseau, mais les coups de roulis et les coups de talons ont continué, le vaisseau tombait surtout sur tribord (côté du large) à faire frémir. 

Il a eu de si violents coups de talons que la barre du gouvernail a fait sauter le tillac [pont supérieur] de la chambre [chambre de la passerelle où se trouvent les cartes], malgré ses barreaux en plusieurs endroits; ce qui fit déterminer M. de Castellan à l’aller couper lui-même. Sans mâts et gouvernail, en proie aux brisants et à la mer la plus terrible faisant coffre [déferlant] à plus de 5 pieds au-dessus du plus haut du vaisseau, il a été une heure de plus sans faire eau et sans se partager, jusqu’à environ 2 heures après minuit.

M. Castellan l’ayant bien rôdé (?) de tribord à bâbord et jeté et fait jeter les canons de tribord à la mer; pendant tout ce temps, les barreaux se cassaient sous nos pieds et, enfin, le pont est tombé. L’avant s’est séparé de l’arrière, les côtés se sont détachés et le fond a quitté les hauts. Les bateaux se sont écrasés dans la cale.

Nous ignorions qu’il y eut rien de découvert proche de nous, croyant être sur un haut-fond [eau peu profonde. Le tirant d’eau en charge de l’Utile est de 15 pieds soit 4,87m. Sur le lieu de destruction de la coque, la profondeur moyenne est de 4m] seulement. Chacun s’accrocha comme il put aux débris, surtout à l’arrière, étant le plus considérable toujours couvert de la mer qui faisait coffre sur nous; nous attendions et comptions être à notre dernier moment.

Chaque seconde nous faisait souffrir mille morts; à peine pouvions-nous respirer tant ces furieuses lames étaient vivement répétées. C’est ainsi que nous avons été jusqu’au jour, temps long et affreux!

Le jour a enfin paru et faisant un peu clair, nous avons aperçu la terre; cela a été annoncé par un cri de joie, sortant du sein de la tristesse. De plus, nous avons vu du monde s’y promenant. Nous avons pour bien dire été ressuscités la croyant habitée, mais hélas! C’étaient de nos gens que les débris y avaient portés, ayant été jetés dehors la nuit et conduits à terre par ces furieuses lames. 

Le jour et la vue de la terre qui avaient un peu diminué nos frayeurs, n’avaient en rien ôté à la mer de ses fureurs. 

Plusieurs personnes se jetèrent à la mer avec une ligne pour tâcher de gagner la terre et établir un va-et-vient, inutilement. Quelques-uns gagnèrent sans pouvoir rien porter. Il fallait hâler les autres sur les débris, où ils se seraient noyés; enfin, effrayé de ce que l’arrière sur le côté duquel nous étions, s’ouvrait et fermait à chaque instant, qui [en] a coupé en 2 plusieurs.

Joint à l’envie que j’avais de secourir les autres, nageant bien, je me jetais le 1er de l’état-major à la mer, et fus suivi d’un des seconds lieutenants. La lame, qui venait de briser et qui s’en retournait au large, m’y entraîna derrière la poupe [arrière du bateau], à environ une encablure au large malgré tous mes efforts.

Celui qui me suivit fut plus heureux, car il trouva la lame roulant à terre et s’y rendit non sans beaucoup de peine et blessures.

Tous nos Messieurs, qui étaient sur la carcasse de derrière, me crurent noyé allant et venant dans ces furieuses lames (j’écris pour ma famille, voilà pourquoi je mets au long ce qui m’est arrivé). J’avais attrapé une grande planche de sapin sur laquelle j’étais accroché. Il y avait quelque temps, un noir esclave se noyant voulut aussi s’en saisir, mais 2 coups de pieds que je lui donnais finirent de lui ôter ses forces. 

J’entendis en ce même instant une voix qui me demandait du secours, je me renversais et vit un matelot tout sanglant qui nageait avec des forces bien abattues, droit à moi. Je le devançais, il prit place sur un bout de la planche et nous faisions nos efforts pour gagner terre.

Mais n’avançant pas, les lames m’écrasant et chargé de nager presque pour 2, je lui abandonnais la planche en plongeant à 2 reprises à la vue d’une barrique de vin qui était dans la lame qui faisait coffre sur ma tête. Je me rendis enfin sur de longs récifs de corail où la lame le roula et me mit dans un état pitoyable, tombant dans un moment à 2 brasses d’eau, dans d’autres à 6 pouces et moins.

J’arrivai enfin  sur la prétendue terre tout sanglant et prêt à rendre l’âme de fatigue et de blessures. Quelques minutes après, arriva aussi le matelot de la planche, il était dans un très triste état. 

Pendant ce temps l’arrière du vaisseau, s’étant allégé d’un peu de bois-de-fer, côtes et fonds, était venu à présenter le bout à terre au lieu de travers et, comme il y avait de distance à autre des débris, on établit des cordes tenantes d’un débris à l’autre, et environ les 8 à 9 heures du matin, tous nos Messieurs et notre équipage se sauvèrent, même M. de La Fargue, qui était incommodé. Notre perte n’a été que de 20 hommes blancs, Mr le Chevalier de Castellan, volontaire, et M. Olivier, officier de côte, passager, beaucoup de noirs, par avoir (car on avait) fermé ou cloué les écoutilles. »

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Le naufrage de l’Utile reconstitué dans le DVD Les esclaves oubliés de l’île Tromelin © Jean-François Rebeyrotte

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Extrait de Max Guérout, Thomas Romon, Tromelin, L’île aux esclaves oubliés, CNRS Editions, 2015.


Allégé peu à peu de ses mâts et de ses canons, l’Utile dérive un peu vers le Nord mais reste échoué. Les courants font céder le gouvernail. Puis la coque fait de même après avoir résisté pendant environ 3h30. Elle s’ouvre vers 2h du matin. Puis les ponts s’effondrent à leur tour.

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"Mécanique du naufrage" ©Tromelin, L'île aux esclaves oubliés, CNRS Editions, 2015

« Mécanique du naufrage » ©Tromelin, L’île aux esclaves oubliés, CNRS Editions, 2015

  1. Choc initial.
  2. Le navire pivote à partir de l’avant et se retrouve dans une position à peu près parallèle à la côte, la proue tournée vers le Sud. Des canons situés à l’arrière  (des 2 bords a priori) sont jetés à la mer par l’officier en second pour alléger le navire. La manoeuvre marche partiellement: les mâts coupés, le navire se déplace d’environ 40m vers le Nord, entraîné par le vent et le courant.
  3. L’avant de la coque se détache de l’arrière, à 2 ou 3m sur l’avant du grand mât. Les vestiges marquant le lieu de destruction de la coque sont concentrés à une profondeur moyenne de 4m.
  4. L’avant, proue vers le large, dérive pour s’échouer quasiment jusqu’à la plage. La partie arrière s’orientera en fin de course, de manière perpendiculaire à la côte.

Les meilleurs nageurs parviennent à gagner le rivage. Pour le reste, il faut compter sur l’entraide ou les grappes humaines. Les esclaves, eux, sont piégés dans les cales du bateau. Il leur faudra attendre que la coque se disloque pour qu’ils puissent se libérer.

Au total, 18 marins et près de 70 esclaves périssent noyés. Parmi eux, le frère du Premier lieutenant du vaisseau, Léon Castellan, embarqué comme volontaire. Au petit matin, les survivants sont ramenés à terre. Plus tard, « La Fargue est retrouvé hagard dans les bouteilles bâbord de l’Utile; on l’en tire avec difficultés mais, sans doute traumatisé par l’effondrement de fortune, il restera des un état de complète hébétude, laissant son premier lieutenant prendre la direction des opérations » (Tromelin, L’île aux esclaves oubliés, pp. 53 à 55).

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3. S’échapper à tous prix

Au matin, 123 membres de l’équipage sont sains et saufs, mais prisonniers de ce minuscule morceau de terre perdu en mer, mesurant moins d’un kilomètre carré. Ils n’ont ni eau, ni vivres, ni abri et aucun moyen de quitter l’île.

Concernant les esclaves, un petit peu moins d’une centaine a survécu au naufrage.

Tout d’abord, il s’agit de récupérer tout ce que l’on peut sur l’épave : des vivres, barils d’eau, de vin, d’eau-de-vie, de farine, de lard et de bœuf, ainsi que des outils, du bois, des voiles…

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Si on rationne l’équipage, rien n’est donné aux esclaves. D’autant que les boissons s’épuisent rapidement; il faut donc trouver de l’eau. Le maître canonnier, Louis Taillefer, est chargé, à la tête d’une petite équipe de la tâche. Il commence par sonder le Sud de l’île.

On creuse un premier puits, sans succès, puis un deuxième, plus à l’Est et on trouve enfin de l’eau. Une « liqueur épaisse et blanche comme du lait« , mélange d’eau douce et d’eau salée, est découverte par 5 mètres de profondeur dans la soirée du 3 août. On peut alors songer à en donner aux esclaves. Entre temps, une trentaine d’entre eux décède. Ce « miracle » permet aussi d’épargner la vie d’un homme d’équipage sur le point d’être exécuté pour l’exemple, suite à des vols de vivres.

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Avec des mâts et des voiles, on construit deux campements, l’un pour les noirs, l’autre pour les blancs.

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Puis, passées les premières nécessités de survie, on construit une embarcation, baptisée la Providence avec pour ambition de rejoindre Madagascar. A la manoeuvre, l’infatigable Premier Lieutenant, Castellan, comme en témoignera plus tard un certificat offert à leur officier par certains membres d’équipage. « […] Nous Maîtres d’équipage, Officiers mariniers et matelots de la frégate l’Utile, Capitaine M. Lafargue […] Il ne nous fallait rien moins qu’un officier comme M. Castellan du Vernet notre premier Lieutenant, qui  lui seul, après notre triste naufrage, a ranimé le courage de chacun par la construction du susdit Bateau; non seulement il en leva le plan, mais même il l’exécuta en partie, et cela des débris qu’il fallait aller lever sur différentes parties des plus grands débris, dont il fut le premier à donner l’exemple. Nous pouvons publier qu’il trouvait du remède à tous les obstacles, qui n’étaient pas moindre, tout incommodé qu’il fût, et affligé de la perte d’un frère qui promettait beaucoup. Il ne décessoit jamais le travail depuis la pointe du jour à la nuit close; son industrie nous donna une Forge, car il fit un soufflet d’une basane qu’on sauva. Si nous tracions ce qu’il a fait jour par jour, le détail serait trop long. Nous dirons avec vérité qu’après Dieu, nous devons notre sortie de cette Isle à lui seul, puisque c’est à la connaissance du plus simple de l’Equipage, que nous n’agissions que par son conseil et ses ordres au travail qui était indispensable pour parvenir au but où Dieu nous a fait la grâce d’arriver. […] » (Dossier La Fargue A.N. Marine C7 157). 

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Plan manuscrit de l’île de Sable, sans doute dessiné par les pilotes de l’Utile à leur retour sur l’île de France. On y distingue le lieu d’échouage du bateau ainsi que la mention de différents sites de vie des naufragés: lieu où les tentes sont dressées (T), l’emplacement d’un puit (F), là où une forge et un four ont été installés et enfin, la zone de construction et de mise à l’eau de la Providence (B) ©Archives nationales

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Objets provenant de l’épave de l’Utile retrouvés sur le site d’habitat des esclaves (fourneau de pipe, garde d’épée, boucle de chaussure, boucle de culotte, bouton en os, fragment de bol en porcelaine chinoise, coq de pâtissier, poids de 5 livres). Sans utilité, on pense qu’ils ont été conservés pour leur originalité ou leur décor.© E. Renucci

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Les naufragés manquent malheureusement d’outils de base pour construire leur bateau, par exemple, en haut, instrument pour le report des côtes (double-pied). En bas, tâches de charpentier de marine – Collection du château des Ducs de Bretagne ©E. Renucci

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Compas pour la construction navale ©E. Renucci

L’embarcation est finalement mise à l’eau le 27 septembre 1761, avec à son bord 121 marins « rangés comme des sardines« .

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Etat des effets sauvés sur la Providence figurant sur un document comptable dressé a posteriori par la Compagnie des Indes. Ils sont estimés à 171 livres 6 sols, une misère en comparaison avec les sommes investies ©E. Renucci

Malheureusement, entre 60 et 80 Malgaches survivants sont abandonnés sur l’île avec trois mois de vivres et la promesse du Lieutenant de Castellan de venir les chercher. « Ils ne sont pas estimables les secours que nous avons tirés depuis le premier moment jusqu’au dernier de ces malheureux esclaves que nous avons été obligés d’y abandonner à la honte de tous » (récit de Keraudic).

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La Providence atteint Madagascar après quatre jours de mer. Dans les semaines qui suivent, l’équipage rejoint Port-Louis (île Maurice) ; malgré le récit des rescapés, le gouverneur Desforges-Boucher refuse en revanche d’envoyer un navire pour porter secours aux Malgaches car il n’entend pas risquer une opération pour des « biens meubles ».

Quant à l’équipage, après un séjour d’un mois sur l’île de France, lors de son rapatriement vers la métropole, 11 d’entre eux meurent. Le capitaine Jean de La Fargue compte au nombre des victimes. « Mort à bord du Silhouette le 12 novembre 1761 à 1 heure et 1/2 à la vue de Bourbon des fièvres malgaches » (Archives de la Défense – Lorient 1P 198 f°1).

4. Espérer et (sur)vivre

« Les années passent et l’indignation première suscitée par la décision de Desforges-Boucher s’estompe. La Compagnie des Indes, durement affectée par la guerre de Sept Ans, est suspendue en 1769 et perd son monopole. L’administration des îles des Mascareignes, jusqu’alors aux mains de la Compagnie, est exercée par le pouvoir royal dès 1766. En 1772, tourmenté par sa promesse non tenue, Castellan écrit au secrétaire d’État à la Marine pour appeler au sauvetage des Malgaches » (site de l’INRAP).

Lettres de Castellan adressées aux autorités, plaidant pour le secours des esclaves laissés sur Tromelin ©E. Renucci

Lettres de Castellan adressées aux autorités, plaidant pour le secours des esclaves laissés sur Tromelin ©E. Renucci

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Entretemps, d’après une lettre conservée de M. Maillart, intendant des « Isles de France et de Bourbon » à Monsieur de Sartines, Ministre de la Marine, datée du 16 décembre 1776 (A.N. Marine G222 – f°34B), on apprend que les esclaves auraient tout de même tenté d’échapper à leur triste sort. « Il en partit il y a environ 12 ans un radeau fait de débris du vaisseau, amarrés avec des cordes de plumes d’oiseaux, cloués avec quelques clous jetés à terre dans les mauvais temps; leur voile était d’un pagne de plumes aussi excepté qu’elle était un peu plus grande que leurs pagnes qu’ils faisaient pour eux. Il y a avait sur ce radeau 18 nègres ». 

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Quant aux survivants, ils sont à nouveau repérés par un navire en 1773. Plusieurs tentatives de sauvetage échouent. Lors de l’une d’entre elles, un marin se retrouve même prisonnier à son tour de l’île.

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Ce prisonnier, encore mû par l’énergie du désespoir,  construit un radeau de fortune dont les voiles sont faites de plumes d’oiseau et tente de quitter cette prison de sable avec 3 hommes et  3 femmes. Ils se perdront en mer eux aussi.

Fort heureusement, « Le ministre [de la Marine] accède à la demande de Castellan et des secours sont envoyés en août 1775, puis par deux fois l’année suivante, sans qu’il soit jamais possible d’aborder. Finalement, fin novembre 1776, la Dauphine, une corvette commandée par l’enseigne de vaisseau Jacques-Marie Lanuguy de Tromelin, parvient à envoyer une chaloupe et une pirogue sur l’île de Sable. Sept femmes et un enfant de huit mois sont récupérés et ramenés à Port-Louis, après quinze années d’attente. Au XIXe siècle, l’île de Sable est rebaptisée du nom de Tromelin » (site de l’INRAP).

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Comment expliquer ce succès? « Instruit des échecs précédents, [Jacques-Marie Lanuguy de Tromelin] embarque une pirogue, habituellement utilisée par l’hôpital de Port-Louis pour la pêche. Ayant appareillé le 25 novembre de Port-Louis, il arrive en vue de l’île le 28 au soir, servi par un temps ‘maniable’. Une chaloupe et la pirogue sont mises à l’eau le lendemain » (Tromelin, L’île aux esclaves oubliés, p. 82).

« Tous ceux qui avoient tenté avant moi de sauver ces naufragés y avaient échoué: j’eus le bonheur de réussir complètement dans mon expédition, mais il est de mon devoir d’annoncer publiquement que je dois une partie de mes succès au S. Lepage officier sur ma corvette. Je le chargeai du commandement de la chaloupe destinée à approcher de cet écueil. Cet officier prit si bien ses mesures, que, sans perdre un seul homme, il fit passer à la pirogue la Barre dans l’endroit le moins dangereux et sauva 7 nègresses et 1 enfant » (Récit de Tromelin, SHD Marine, Brest, Ms 161 90). 

« A leur retour à Port-Louis, les femmes ne furent pas affranchies mais simplement déclarées libres. En effet, achetées en fraude elles ne furent pas considérées par l’administration comme étant des esclaves. Parmi les rescapés figuraient le petit garçon, sa mère, ‘très fatiguée’, et sa grand-mère, ‘très vielle et très infirme’. L’enfant fut baptisé le jour même par le curé de la paroisse Saint-Louis: ‘Le 15 décembre 1776 je soussigné ay baptisé Jacques Moyse agé d’environ 8 mois fils naturel de Semiavou négresse malgache déclarée libre par Mrs les administrateurs pour le Roy parrain a été Jean Pierre Paschal et marraine Pauline Libres, le parrain a déclaré ne savoir signer…’.

Le nom de sa mère, écrit phonétiquement, correspond au nom malgache de Tsimiavo, qui peut se traduire par ‘celle qui n’est pas orgueilleuse’. Elle fut toutefois d’autorité rebaptisée Eve, et la grand-mère Dauphine.

Maillard, l’intendant des îles, souligne ‘Je fais baptiser l’enfant, je lui donne le surnom de Moyse et le nom de baptême sera Jacques qui est le mien et je le ferai élevé’. Il proposa aux rescapés de les rapatrier à Madagascar; devant leur refus, il fit preuve de compassion: ‘Leur sort m’a i fort intéressé que j’ai offert à cette mère, sa fille et son enfant l’asile de ma propre maison. Ils l’ont accepté avec joie et j’en ai une grande de les faire soigner et de les rendre heureux' »(Tromelin, L’île aux esclaves oubliés, pp. 82 à 83).

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« 15 années séparent le départ des marins français sur la Providence et le sauvetage des derniers survivants par Tromelin. Comment les Malgaches ont-ils survécu sur l’île de Sable ? Comment se sont-ils nourris ? Comment ont-ils entretenu un feu en l’absence d’arbres ? Comment ont-ils résisté aux tempêtes tropicales ? La topographie plane de Tromelin la rend très vulnérable aux conséquences des cyclones qui la dévastent régulièrement. Le sable, balayé par le vent incessant, a recouvert les vestiges laissés par les esclaves oubliés, figeant les couches d’occupation » (site de l’INRAP). Malheureusement, le témoignage des esclaves rescapés a été perdu.

« Forcément, nous avions le journal de l’écrivain de bord qui raconte assez bien ce qu’il s’est passé au jour le jour depuis les naufrage jusqu’à ce qu’ils parviennent à quitter l’île, deux mois après et sans les Malgaches. Mais, je me suis appuyé dessus comme toile de fond. Mon objectif était de faire vivre les malgaches. Toute la partie des 15 ans après vient plutôt des quelques rares témoignages que Max a su retrouver ainsi que des découvertes suite aux fouilles qui ont permis la reconstruction » explique Sylvain Savoia (extrait d’interview pour Branchés Culture).

En adoptant le point de vue des esclaves malgaches, Sylvain Savoia a voulu parer son récit d’une dimension émotionnelle forte,  « Le regard de la victime, arrachée à ses hauts plateaux luxuriants, embarquée par des étrangers à la langue incompréhensible, permet de mieux souligner les violences de l’esclavage, du déracinement arbitraire et aussi de l’abandon sur un îlot en plein océan« .

« Imaginez-vous ces esclaves, raconte l’archéologue malgache [Bako Rasoarifetra, participante à l’une des campagnes], ils sont sous le coup de quatre chocs psychologiques. Libres, ils avaient été volés et réduits à l’esclavage ; puis ils ont échappé à la mort et à la noyade lors du naufrage ; ensuite, il leur a fallu survivre sur cette île déserte alors que probablement certains d’entre eux n’avaient jamais vécu près de la mer mais, sur les Hautes Terres Centrales de Madagascar ; abandonnés, ils se retrouvaient comme emprisonnés au milieu de l’océan, dans une attente interminable. » 

Comment ont donc vécu les esclaves isolés?

En 1830, le commandant de la Favorite, envoyé pour inspecter l’île suite à plusieurs cyclones, observe les vestiges d’un habitat, sans pourtant mettre pied sur l’île. « Sur un monticule qui forme le point le plus élevé de l’île, était une perche à moitié renversée par le vent, et surmontée d’une croix; autour nous apercevions les restes de cabanes et de puits, faits sans doute par l’équipage de l’Utile » 

En 1851, le HMS Pantaloon fait halte près de l’île. Son capitaine, H. Parker, se rend à terre et donne la description suivante de l’île « Sur le point le plus élevé de l’extrémité nord de l’île, se trouvent les restes d’une très ancienne construction faite de blocs de corail, elle comporte 5 compartiments, et à proximité il y a 2 autres ruines carrées. Dans le voisinage il y a plusieurs rangées de pierres d’environ 6 pieds de long apparemment des tombes […]« .

En 1856, l’ornithologue Layard, embarqué sur le HMS Castor, se rend sur l’île. « Nous trouvâmes les ruines d’une hutte, qui avait compris 3 pièces; dans la plus grande se trouvait un espace carré entouré de pierres noircies, qui avait dans le passé servi de foyer […] Nous portâmes nos pas vers nos embarcations le long d’un large chemin, nettoyé de toute pierre et minutieusement aplani […]« . 

« En 1953-1954, quand la station météorologique française est construite à cet endroit, les aménageurs observent des vestiges d’habitations encore en élévation. Mais, en 2006, plus aucune trace n’est décelable. D’une part, les travaux d’aménagement de la station ont empiété sur le site archéologique et, d’autre part, le sable a tout recouvert. » (site de l’INRAP)

En 2006, 2008, 2010 et 2013, les 4 campagnes archéologiques, financées par l’Unesco et placées sous l’égide du préfet administrateur des TAAF, tentent de répondre à ces questions. 

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Les équipes de fouille ont pu reconstituer l’habitat de ces « Robinson ». Les murs de leurs abris étaient composés de sable séché et de coraux. Il s’agissait de constructions en dur que la coutume malgache réserve habituellement aux tombeaux. Les naufragés ont donc dû transgresser leurs rites (interdits royaux) pour pouvoir s’abriter et résister aux éléments hostiles car ils n’avaient pas à leur disposition le bois et le torchis traditionnellement utilisés dans leur île natale pour construire des maisons.

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Extrait de Les naufragés,  Témoignages vécus, XVIIème siècle – XXème siècle,  présenté par Dominique Le Brun, Omnibus, Place Des Editeurs, 2014.

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« Les bâtiments étaient d’une ampleur exceptionnelle« , conçus très solidement: des murs d’une épaisseur de 1,5 à 3m et pouvant atteindre jusqu’à 2m de haut avec des volumes intérieurs très faibles, a souligné Max Guérout. Dans les pièces, dont une cuisine où un foyer a été dégagé, les archéologues ont découvert 13 récipients en cuivre, trois bassines en plomb, deux casseroles, ainsi que des lames de haches, ou un trépied de cuisson. Les naufragés se sont nourris surtout d’oiseaux et aussi de tortues – moins de poissons car plus difficiles à pécher du fait de la mer, agitée sur la zone.

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Vue de la « cuisine » imaginée par Sylvain Savoia

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Les recherches sous-marines et terrestres ont également mis au jour de nombreux objets de la vie courante détournés de l’équipement du navire (un gond de sabord d’artillerie – trou carré pratiqué dans la muraille d’un navire et servant d’embrasure de canon – pour faire un marteau, un clou de charpente pour faire un tisonnier, un emporte-pièce pour faire un affûtoir… ) ou fabriqués avec du cuivre et du plomb récupérés sur l’épave du navire (récipients).

« Seuls trois ou quatre objets, dont un coquillage de triton et une cuillère en porcelaine, ont été fabriqués à l’aide d’éléments trouvés sur l’île » (à partir de coquillages), la majorité des autres l’étant à partir de l’épave de l’Utile, raconte Thomas Romon, de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). On rafistole d’ailleurs beaucoup.

Sinon, il faut faire preuve d’inventivité et d’imagination. Ainsi, les chercheurs ont, par exemple, découvert que les esclaves brisaient les ailes des oiseaux et les plumaient pour se fabriquer des pagnes ou des couvertures. Ensuite, ils mangeaient les oiseaux marins rôtis (traces de brûlures sur les os). Les femmes semblaient également utiliser les plumes d’oiseaux pour se vêtir (pagnes) ou confectionner des couvertures.

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Plus surprenant, les fouilles ont également révélé des bracelets en cuivre, ce qui laisse penser que les naufragés « avaient dépassé le stade de survie immédiate« , a souligné Max Guérout.

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La dernière campagne de fouille, en 2013, « a permis d’explorer la totalité des vestiges archéologiques accessibles sur l’île de Trolemin« , ont estimé les membres de l’expédition. D’autres bâtiments potentiels ainsi que les tombes des esclaves malgaches n’ont toutefois pas pu être découverts.  L’hypothèse la plus probable étant que les bâtiments météorologiques, construits dans les années 1950 par la France, aient recouvert ces vestiges…

Pour aller plus loin, l’article L’environnement matériel de la vie quotidienne des esclaves de Tromelin d’un professeur d’histoire malgache, Monsieur Raison, se propose, à partir du mode de vie et des coutumes des îliens, de décrypter les adaptations imposées par les conditions propres à Tromelin et liées aux actes de la vie quotidienne des esclaves esseulés.

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5. Tromelin pour la postérité

L’affaire du sauvetage n’aura malheureusement qu’un retentissement tardif et limité. Certes, un document imprimé et destiné au colportage du récit extraordinaire du naufrage, la Relation des principales circonstances qui ont accompagné et suivi le naufrage de la frégate l’Utile, Capitaine M. de Lafargue, sur le ressaie de l’isole de Sable ou du Corail, situé au 15e degré 52 minutes de latitude au Sud, et au 52e degré 45 minutes de longitude à l’Orient de Paris se diffuse à travers une partie de l’Europe mais sa portée concernant le sort des esclaves demeure faible. Les mentalités changent très difficilement et lentement…

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5 ans plus tard, Condorcet évoquera tout de même le destin tragique des esclaves de Tromelin dans son combat pour l’abolition de l’esclavage.

Sous le pseudonyme de Schwartz (noir en allemand), Condorcet publie en 1781, Réflexions sur l'esclavage des Nègres. Evoquant l'Utile, il souligne la différence de traitement selon l'origine ethnique.

Sous le pseudonyme de Schwartz (noir en allemand), Condorcet publie en 1781, Réflexions sur l’esclavage des Nègres. Evoquant l’Utile, il souligne la différence de traitement selon l’origine ethnique.

De même, l’abbé Rochon, astronome de la Marine et proche de la famille Tromelin, rendra compte du naufrage et du sort peu enviable des esclaves dans son Voyage à Madagascar, à Maroc et aux Indes Orientales (1791). « Tout homme qui a quelque sentiment d’humanité frémit quand il sait qu’on a laissé périr misérablement ces pauvres Noirs sans daigner faire aucune tentative pour les sauver ». 

Ensuite, le souvenir se dissipa jusqu’aux premières fouilles archéologiques en 2006…

Sylvain SAVOIA, Les Esclaves oubliés de Tromelin, Dupuis, 2015.

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1- Ils en parlent 

2- Emissions radio autour de Tromelin

  • Interview radio de Sylvain Savoia dans l’émission Les voix du monde sur RFI
  • Sylvain Savoia pour Mouv’
  • Série de reportages thématiques sur France Culture

3- Documentaire sur les esclaves oubliés de Tromelin et les fouilles entreprises

4- Portrait de Max Guérout dans L’Histoire

5- Tromelin 2013, un site complet du Groupe de Recherches en Archéologie Navale avec les carnets électroniques des 4 missions de fouille

6- Guide du visiteur de l’exposition  Tromelin, l’île des esclaves oubliés

7- Max Guerout et Thomas Romon, « La culture matérielle comme support de la mémoire historique : l’exemple des naufragés de Tromelin« , In Situ [En ligne], 20 | 2013, mis en ligne le 15 février 2013

8-Quelques vues de Tromelin

9- Tromelin, vers un partage entre la France et l’île Maurice

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