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LCADDLDu dessinateur belge Yslaire (de son vrai nom Bernar Hislaire), on connaît surtout la série Sambre, fresque romanesque et baroque. Adaptant son esthétique empreinte de romantisme et toute en nuances de rouge et de sépia (en référence direct au Le rouge et le noir de Stendhal), avec des touches contrastantes de blanc, il esquisse, à la manière d’un Fragonard (contemporain de l’histoire), en 20 courts tableaux, le destin croisé du Louvre et du peintre David. Concept novateur, le premier musée de la Nation est inauguré le 8 août 1793 et David y a installé son atelier à l’angle des façades Nord et Ouest.

Projet d'aménagement Grande Galerie, 1789 Hubert Robert ©Musée du Louvre Projet d’aménagement Grande Galerie par Hubert Robert – 1789 ©Musée du Louvre
La Grande Galerie Hubert Robert ©Musée du Louvre La Grande Galerie, Hubert Robert
©Musée du Louvre

Servi par un scénario percutant de Jean-Claude Carrière (il avait aussi travaillé sur le remarquable film Danton d’Andrzej Wajda), cette commande est un double hommage à la création de cette institution culturelle et au célèbre peintre. Le récit se focalise sur l’époque de la Terreur sous l’angle inédit de la peinture et de la représentation. Il se centre en particulier sur la relation complexe qui lie David à l’inévitable Robespierre entre fascination, instrumentalisation et trahison. L’Art au service de la Révolution et de ses idéaux? David se trouvera dans l’impossibilité d’accéder à la demande de Robespierre de “représenter […l’Etre suprême, …] image abstraite sur un tableau” (Yslaire) car “on ne peut vider le ciel”. Avec l’abolition du clergé, la bataille pour gagner les esprits a également lieu dans les cieux… Malheureusement, “l’Art [semble être] une quête sans fin”…

Autoportrait (de David) 1794 ©Musée du Louvre Autoportrait (de David) – 1794 ©Musée du Louvre
Robespierre vers 1790 Anonyme ©Musée Carnavalet Robespierre vers 1790 Anonyme ©Musée Carnavalet

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L’album s’ouvre symboliquement sur la réalisation du portrait de “Marat assassiné” par David et se clôt sur celle de “Le Général Bonaparte” du même peintre. En effet, “l’incorruptible” incarne les espoirs des Révolutionnaires après la disparition de l’”ami du peuple”(1793) et, à sa chute, cède la place à l’ère du “général botté” (1796).Cette parenthèse chaotique de la France en devenir se traduit par des transpositions graphiques“inachevées” alliées à une narration “elliptique”. Par contraste, seules les réalisations picturales achevées durant la période sont reproduites avec l’intégralité de leurs couleurs,comme pour figer une réalité ou une perception du moment.

marat_gr La Mort de Marat ©Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles – 1793 « Le vrai patriote doit saisir avec avidité tous les moyens d’éclairer ses concitoyens et de présenter sans cesse à leurs yeux ces traits sublimes d’héroïsme et de vertu. » David
Etude de David d'après nature de la tête de Jean-Paul Marat assassiné le 13 juillet 1793 ©Wikipédia Etude de David d’après nature de la tête de Jean-Paul Marat assassiné le 13 juillet 1793 ©Wikipédia

http://www.youtube.com/watch?v=SnrfL8E65VU

© Photo RMN-Grand Palais - R. G. Ojeda Portrait inachevé du Général Bonaparte – 1798 ©Photo RMN-Grand Palais – R. G. Ojeda
Anonyme L'empereur (Bonaparte devenu Napoléon) dans l'atelier de David (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Le Mage Anonyme
L’empereur (Bonaparte devenu Napoléon) dans l’atelier de David
©Photo RMN-Grand Palais (musée du Louvre) – Thierry Le Mage
Détail du Sacre de Napoléon. 2ème à partir de la gauche, David dessinant le couronnement, à ses côtés son élève Rouget 1808 ©Musée du Louvre Détail du Sacre de Napoléon. 2ème à partir de la gauche, David dessinant le couronnement, à ses côtés son élève Rouget 1808 ©Musée du Louvre
LCADDL1 ©Futuropolis

Le fil conducteur: “un ange” (au sens d’annonciateur), Jules Stern, venu d’une contrée inconnue arrive à Paris et devient modèle de David. Ce personnage, bien que dans un contexte différent,  apparaissait déjà dans la série Le ciel au-dessus de Bruxelles  (2 tomes).

Il “entre [ainsi] comme par effraction dans le monde révolutionnaire” (J-C Carrière) et prédit l’avènement puis la chute de la Terreur dont il sera la victime innocente. En effet, pas de concession dans cette France qui prône “La Liberté, l’Egalité ou la mort”!

J’ai particulièrement apprécié la reconstitution des débats à la Convention nationale qui se déroulent avec le rappel constant aux martyrs de la Révolution, sous la forme de deux grands tableaux encadrant la tribune (le “Marat assassiné” et “Lepeletier de Saint-Fargeau sur son lit de mort”).

Les derniers moments de Michel Lepeletier, gravure d'Anatole Desvoge d'après le tableau de David Les derniers moments de Michel Lepeletier, gravure d’Anatole Desvoge d’après le tableau de David

En toute fin de la BD, se trouve également une liste des tableaux apparaissant tout au long du récit par ordre d’apparition. La grande majorité appartient au Musée du Louvre et sont localisés.

Le Public regardant le Couronnement de David au Louvre par Louis Léopold Boilly 1810 ©Metropolitan Museum of Art Le Public regardant le Couronnement de David au Louvre par Louis Léopold Boilly 1810 ©Metropolitan Museum of Art

Pour résumer: un petit bijou extrêmement intelligent et merveilleusement ciselé qui ravira l’amateur le plus exigent.

Le ciel au-dessus du Louvre, Futuropolis, 2009. 

1 – Ils en parlent

2 – Interview vidéo d’Yslaire et J.C. Carrière

3 – Pour en savoir plus, la page Facebook. Attention, beaucoup de liens obsolètes.

4 – Robespierre

Un superbe documentaire réalisé par un illustrateur talentueux

5 – L’énigme du tableau du Sacre de Napoléon

Dans l’émission radio Au coeur de l’histoire de Frank Ferrand, avec Thierry Lentz